top of page
emiliencollon

Hominicides : un tabou pas encore brisé

En 2019, 11 hommes ont été tués sous les coups de leur compagne en France, selon le collectif militant « Féminicides par compagnons ou ex ». Les violences conjugales faites aux hommes restent un phénomène méconnu et tabou alors que la médiatisation des féminicides devient de plus en plus importante.



« 1 homme meurt tous les 13 jours sous les coups d’une femme. » a affirmé la députée LaREM Claire O’Petit, le 30 avril dernier. Les morts violentes au sein du couple sont documentées dans une étude annuelle publiée par le Ministère de l’Intérieur qui recense dans sa dernière étude en 2017, 16 décès d’hommes. Sur les cinq dernières années, le nombre de décès chez les hommes varie entre 16 et 28.


Phénomène à la fois méconnu et complexe car dans plus de 60% des cas, les femmes qui ont commis l’homicide de leur mari étaient victimes de violences antérieures.


D’après les chiffres de l’ONDRP, les hommes victimes de violences conjugales sont jeunes dans la plupart des cas (entre 25 et 44 ans), vivent en couple (sans être mariés dans la majorité des cas), ont des revenus modestes et ont des enfants.


Une médiatisation inégale


148 féminicides ont été recensés en 2019, en France. Depuis plusieurs mois, la médiatisation de ce phénomène s’est développée car les femmes sont les premières à faire les frais des violences conjugales. L’arrivée des mouvements féministes dans les années 70-80 a donné une existence médiatique aux violences conjugales. Mais uniquement celles exercées par l’homme envers la femme.


De nombreuses mobilisations ont eu lieu en 2019 pour lutter contre ces violences mais les hommes battus restent toujours en retrait dans cette médiatisation et sont pratiquement oubliés. Même si le nombre d’hominicides est très inférieur à celui des féminicides, les mesures mises en place pour les femmes sont plus nombreuses. Aujourd’hui, il existe très peu de structures d’écoute ou d’accueil réservées aux hommes battus.


Les collectifs contre les violences conjugales sont parvenus à imposer l’utilisation du mot « féminicide » dans les médias, alors que le terme d’« hominicide » n’a toujours pas véritablement sa place dans le vocabulaire français et reste tabou.


Les couples homosexuels également touchés


En 2018, des chercheurs de l’université du Michigan (États-Unis) se sont penchés sur les violences conjugales au sein des couples gay. Au total, ils ont suivi 160 couples. 46 % d’entre eux ont dénoncé une forme de violence par leur partenaire, qu’il s’agit d’abus émotionnels ou de violences physiques.


3 homosexuels ont été tués en France par leur partenaire en 2016, selon les chiffres publiés en 2017 par la mission interministérielle pour la protection des femmes contre la violence et la lutte contre la traite des êtres humains. « Si vous regardez juste la violence physique et sexuelle dans les couples masculins, elle représente entre 25 et 30 %, soit environ la même que chez les femmes » atteste Robe Stephenson, directeur du Centre sur les Disparités Sexuelles et Médicales.


Souvent, quand on dit violences conjugales, on pense directement aux couples hétérosexuels, dont la femme serait la victime. Même si cela existe, il y a d’autres formes de violences domestiques dans tous les types de relations, « la lutte contre ces violences s’est construite à partir du cadre : femme agressé- homme agresseur » affirme Tania Lesbowicz, sociologue.


L’étude américaine établit un lien fort entre « le refus de l’homosexualité » et la violence. Un homme gay qui aura du mal à assumer son identité sexuelle pourra s’en prendre à son partenaire de manière violente physiquement ou émotionnellement pour relâcher la pression.


Porter plainte pour violences conjugales est assez difficile pour un homosexuel. Dans certains cas, il y a la peur du ridicule. La peur de devoir avouer son homosexualité devant des inconnus ou encore que des membres de sa famille l’apprennent.

Le 12 juillet 2019, deux députés LREM ont demandé́ à Marlène Schiappa d’inclure les LGBTQ+ dans son plan contre les violences conjugales. Si les femmes hétérosexuelles en sont les principales victimes, les homosexuels ne doivent pas être épargnés.


Une violence au niveau mondial


La France n’est pas le seul pays dans le monde où les violences conjugales faites aux hommes sont un tabou. En 2014, une étude de l’Institut Européen pour l’Égalité des Genres (EIGE) est menée sur les violences conjugales, seulement le sujet des hommes n’est évoqué à aucun instant. Pour autant, les chiffres ne restent pas moins faibles. Au Luxembourg, 38% des victimes de violences sont des hommes contre 40% en Angleterre.


En Angleterre, l’association anglaise de défense des hommes battus a le soutien de l’État. Son objectif est de mieux faire comprendre à un public plus large ces phénomènes qui touchent énormément de personnes dans le monde. « On essaie d’expliquer comment ces violences conjugales peuvent être possibles, on sensibilise avec des campagnes de prévention », explique John Mays, président de l’ONG PARITY. Une ligne d’écoute a été mise en place. PARITY demande que les foyers d’accueil, encore majoritairement réservés aux femmes, se développent aussi pour les hommes.


Les associations françaises comme Stop Hommes Battus se demandent alors pourquoi rien n’est fait en France. Celle-ci déplore être la seule en capacité d’aider les victimes qui pourtant recense plus de 2500 appels téléphoniques par an et 45 000 visites sur leur site internet.


En mars 2015, un centre d’accueil a ouvert ses portes dans la région de Malines en Belgique. Helen Blow, responsable communication de l’organisation Steunpunt Algemeen Welzijnswerk explique : « il se compose de deux studios dans lesquels les hommes peuvent rester jusqu’à six mois. Ils reçoivent une aide psychologique pour gérer le traumatisme, mais aussi pour mieux appréhender le retour à la vie seul, à l’indépendance. » Malgré son exclusivité pour les victimes masculines, son coût de 25 euros par jour reste un frein.


Face à l’injustice, les victimes de violences faites aux hommes réclament qu’ils puissent accéder aux mêmes traitements que les femmes. Il reste aujourd’hui un certain nombre de combats à effectuer pour mettre un terme à ce désastre.

1 vue0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page